🔄 Analyse des Systèmes Non Linéaires - Semestre 7

Année Universitaire : 2023-2024
Semestre : 7
Crédits : 2.5 ECTS
Spécialité : Automatique et Systèmes


PART A - Présentation Générale du Module

Vue d'ensemble

L’analyse des systèmes non linéaires est une extension naturelle de l’automatique linéaire vers les systèmes réels. Contrairement aux systèmes linéaires, les systèmes non linéaires peuvent exhiber des comportements complexes : points d’équilibre multiples, cycles limites, bifurcations, et même chaos. Ce cours fournit les outils mathématiques pour analyser la stabilité et le comportement de ces systèmes.

Objectifs pédagogiques :

Position dans le cursus

Ce module s’appuie sur :

Il prépare à :


PART B - Expérience Personnelle et Contexte d’Apprentissage

Organisation et ressources

Le module était organisé en cours magistraux et travaux dirigés sur le semestre :

Cours magistraux (20h) : Structuré en 5 chapitres (chapitre1 à chapitre5) :

Travaux dirigés (16h) : 9 séances de TD avec exercices d’application :

Supports pédagogiques :

Méthode de travail

Cours théorique : Le cours est mathématiquement exigeant avec de nombreuses démonstrations. La compréhension des concepts (fonctions de Lyapunov, stabilité asymptotique) demande du temps et de la pratique.

TD et simulations : Les TD permettent d’appliquer la théorie sur des exemples concrets (pendule, circuits électriques, systèmes mécaniques). Les simulations Simulink visualisent les comportements non linéaires.

Annales : Les annales de 2013 à 2023 avec corrections sont essentielles pour comprendre les attentes et le type d’exercices (analyse de stabilité, plan de phase, méthode du premier harmonique).

Difficultés rencontrées

Abstraction mathématique : La théorie de Lyapunov est puissante mais abstraite. Trouver une fonction de Lyapunov candidate pour prouver la stabilité n’est pas systématique et demande de l’intuition.

Visualisation des comportements : Comprendre les portraits de phase (trajectoires dans l’espace d’état) nécessite une bonne visualisation géométrique.

Méthode du premier harmonique : La méthode est basée sur des approximations (ne conserver que le premier harmonique). Comprendre ses limites et domaines de validité est important.


PART C - Aspects Techniques Détaillés

1. Introduction aux systèmes non linéaires

Comportement non-linéaire

Figure : Comparaison entre système linéaire et non-linéaire - Phénomène de saturation

Définition :

Un système est non linéaire si son équation ne vérifie pas le principe de superposition. Formellement, si :

Alors pour un système linéaire : a×x1(t) + b×x2(t) → a×y1(t) + b×y2(t)

Si cette propriété n’est pas vérifiée, le système est non linéaire.

Exemples de non-linéarités :

Type Equation Exemples
Saturation y = sat(u) Actionneurs limités, amplificateurs
Zone morte y = 0 si abs(u) < delta Jeux mécaniques, seuils
Hystérésis y dépend de l’historique Matériaux magnétiques, frottement
Multiplication y = u1 × u2 Modulation, puissance
Fonction trigonométrique y = sin(u) Pendule, robots
Puissance y = u² ou u³ Aerodynamique, hydraulique

Conséquences de la non-linéarité :

2. Modélisation des systèmes non linéaires

Représentation d’état :

Forme générale d’un système non linéaire :

x point = f(x, u, t) y = g(x, u, t)

où x est le vecteur d’état, u l’entrée, y la sortie.

Systèmes autonomes :

Si f ne dépend pas explicitement du temps : x point = f(x)

Exemple : pendule simple

Équation du mouvement : theta point point + (g/L) sin(theta) = 0

Représentation d’état :

x1 point = x2 x2 point = -(g/L) sin(x1)

Points d’équilibre :

Solutions de f(x_eq) = 0

Pour le pendule :

3. Analyse dans le plan de phase

Définition :

Pour un système du second ordre (2 variables d’état), le plan de phase représente les trajectoires dans l’espace (x1, x2).

Portrait de phase :

Ensemble des trajectoires pour différentes conditions initiales. Permet de visualiser :

Classification des points d’équilibre :

Linéarisation autour du point d’équilibre : x point = A × x

où A est la matrice jacobienne au point d’équilibre.

Valeurs propres Type Stabilité
Réelles négatives Nœud stable Stable
Réelles positives Nœud instable Instable
Complexes Re < 0 Foyer stable Stable
Complexes Re > 0 Foyer instable Instable
Imaginaires pures Centre Marginalement stable
Opposées (± lambda) Point selle Instable

Exemple : pendule amorti

theta point point + b theta point + (g/L) sin(theta) = 0

Avec amortissement b > 0 :

Séparatrices :

Trajectoires qui séparent différents bassins d’attraction. Pour le pendule, les séparatrices partent du point selle.

4. Stabilité au sens de Lyapunov

Définition de la stabilité :

Un point d’équilibre x_eq est :

Théorème de Lyapunov (méthode directe) :

Soit V(x) une fonction scalaire (fonction de Lyapunov candidate) :

Conditions :

  1. V(x) > 0 pour tout x différent de 0 (définie positive)
  2. V(0) = 0
  3. V point(x) <= 0 (dérivée négative ou nulle)

Conclusion : Si conditions 1, 2, 3 vérifiées : point d’équilibre stable

Si en plus V point(x) < 0 (strictement négatif) : asymptotiquement stable

Interprétation :

V(x) peut être vue comme une fonction d’énergie généralisée. Si l’énergie décroît (V point < 0), le système converge vers l’équilibre.

Exemple : système linéaire x point = A x

Fonction de Lyapunov candidate : V(x) = x^T P x (forme quadratique)

Dérivée : V point = x^T (A^T P + P A) x

Pour que V point < 0, il faut : A^T P + P A = -Q avec Q > 0

Cette équation (équation de Lyapunov) a une solution P > 0 si et seulement si A est stable (valeurs propres à partie réelle négative).

Exemple : pendule avec frottement

Système : x1 point = x2 x2 point = -(g/L) sin(x1) - b x2

Fonction de Lyapunov (énergie totale) : V(x1, x2) = (1/2) x2² + (g/L) (1 - cos(x1))

V(0, 0) = 0 et V(x1, x2) > 0 pour (x1, x2) différent de (0, 0)

Dérivée : V point = x2 × x2 point + (g/L) sin(x1) × x1 point V point = x2 × (-(g/L) sin(x1) - b x2) + (g/L) sin(x1) × x2 V point = -b x2²

V point <= 0 (négatif ou nul), donc le point (0, 0) est stable. V point < 0 pour x2 différent de 0, donc asymptotiquement stable.

Région de stabilité :

La région où V(x) < c (constante) et V point < 0 est une estimation du bassin d’attraction.

Limitation :

Trouver une fonction de Lyapunov n’est pas systématique. Il n’y a pas de méthode générale. L’ingénieur doit essayer différentes fonctions candidates (souvent basées sur l’énergie physique du système).

5. Principe d'invariance de LaSalle

Extension du théorème de Lyapunov :

Si V point <= 0 (et non strictement < 0), le théorème de Lyapunov standard ne conclut que sur la stabilité, pas la convergence asymptotique.

Théorème de LaSalle :

Si V point <= 0, le système converge vers le plus grand ensemble invariant contenu dans l’ensemble où V point = 0.

Application :

Pour le pendule, V point = -b x2² = 0 seulement si x2 = 0. L’ensemble où V point = 0 est l’axe x1 (vitesse nulle). Le seul ensemble invariant sur cet axe est le point (0, 0). Donc le système converge vers (0, 0) : stabilité asymptotique.

6. Méthode du premier harmonique (Describing Function)

Objectif :

Analyser les cycles limites (oscillations auto-entretenues) dans les systèmes bouclés comportant une non-linéarité.

Principe :

Remplacer la non-linéarité par un gain équivalent qui dépend de l’amplitude de l’entrée.

Système considéré :

Boucle fermée : partie linéaire G(jω) + non-linéarité N

Hypothèse :

Fonction de description :

N(A) = B1 / A × exp(j φ1)

Rapport complexe entre le premier harmonique de sortie et l’entrée.

Exemples de fonctions de description :

Non-linéarité N(A)
Gain linéaire k k (constant)
Saturation (2k/π) [arcsin(M/A) + (M/A) sqrt(1 - (M/A)²)]
Zone morte k [1 - (delta/A)] si A > delta
Relais ± M (4M) / (π A)
Hystérésis Fonction complexe (déphasage)

Condition d’existence d’un cycle limite :

Un cycle limite existe si : 1 + G(jω) × N(A) = 0

Ou : G(jω) = -1 / N(A)

Graphiquement :

Tracer G(jω) (Nyquist) et -1/N(A) dans le plan complexe. Les intersections donnent les cycles limites possibles (fréquence ω et amplitude A).

Stabilité du cycle limite :

Limitations :

7. Linéarisation par bouclage (Feedback Linearization)

Objectif :

Concevoir une loi de commande qui linéarise exactement le système non linéaire.

Système non linéaire :

x point = f(x) + g(x) u

Commande linéarisante :

u = (1/g(x)) [-f(x) + v]

où v est une nouvelle entrée.

Système en boucle fermée :

x point = v (système linéaire !)

On peut alors choisir v pour obtenir la dynamique désirée (placement de pôles, LQR, etc.).

Exemple : pendule inversé

Équation : theta point point = (g/L) sin(theta) + u

Avec u = -(g/L) sin(theta) + v : theta point point = v (double intégrateur linéaire)

On peut alors stabiliser avec v = -k1 theta - k2 theta point (PD)

Limitations :

8. Commande par modes glissants (Sliding Mode Control)

Principe :

Concevoir une surface de glissement s(x) = 0 sur laquelle le système a le comportement désiré, puis forcer le système à rester sur cette surface.

Étapes :

  1. Définir la surface : s(x) = 0 (combinaison linéaire des états)
  2. Loi de commande : u force s(x) à converger vers 0
  3. Mode glissant : une fois sur s(x) = 0, le système y reste

Exemple : système du 1er ordre

x point = f(x) + g(x) u

Surface : s(x) = x - x_désiré

Commande : u = (1/g(x)) [-f(x) - k sign(s)]

avec k > 0 suffisamment grand.

Propriétés :

Réduction du chattering :

Remplacer sign(s) par sat(s/epsilon) ou tanh(s/epsilon) pour lisser la commande.

9. Bifurcations

Définition :

Changement qualitatif du comportement d’un système quand un paramètre varie.

Types de bifurcations :

Bifurcation selle-nœud :

Bifurcation transcritique :

Bifurcation fourche (pitchfork) :

Bifurcation de Hopf :

Diagramme de bifurcation :

Graphique représentant les points d’équilibre (ou amplitudes de cycles) en fonction du paramètre.

10. Introduction au chaos

Définition :

Comportement apériodique déterministe sensible aux conditions initiales.

Caractéristiques :

Exposants de Lyapunov :

Mesurent le taux moyen de divergence ou convergence des trajectoires.

Exemples de systèmes chaotiques :

Système de Lorenz : x point = sigma (y - x) y point = r x - y - x z z point = x y - b z

Pour certaines valeurs de paramètres (r = 28, sigma = 10, b = 8/3) : comportement chaotique (attracteur étrange).

Attracteur de Lorenz :

Structure géométrique en forme de papillon dans l’espace de phase. Les trajectoires tournent autour de deux lobes sans jamais se répéter.

Route vers le chaos :

Cascade de doublement de période : oscillation de période T → 2T → 4T → 8T → … → chaos

Carte de Poincaré :

Réduction d’un système continu par échantillonnage (intersection avec une surface). Facilite l’analyse du chaos.

11. Applications pratiques

Pendule inversé :

Système instable en boucle ouverte. Linéarisation par bouclage ou commande par modes glissants pour stabilisation.

Oscillateur de Van der Pol :

x point point - mu (1 - x²) x point + x = 0

Pour mu > 0 : cycle limite (oscillation auto-entretenue). Exemple de système présentant une bifurcation de Hopf.

Circuit de Chua :

Circuit électronique simple exhibant du chaos. Utilisé pour étudier les systèmes chaotiques en laboratoire.

Système proie-prédateur (Lotka-Volterra) :

x point = a x - b x y (proies) y point = -c y + d x y (prédateurs)

Modèle biologique avec cycles (oscillations des populations).


PART D - Analyse Réflexive et Perspectives

Compétences acquises

Analyse de stabilité : Maîtrise de la théorie de Lyapunov pour prouver rigoureusement la stabilité de systèmes non linéaires. Capacité à construire des fonctions de Lyapunov candidates.

Visualisation géométrique : Compréhension des portraits de phase et trajectoires dans l’espace d’état. Identification des points d’équilibre et de leur nature (nœud, foyer, selle).

Analyse fréquentielle : Application de la méthode du premier harmonique pour prédire l’existence de cycles limites dans les systèmes bouclés.

Points clés à retenir

1. Non-linéarité = richesse comportementale : Les systèmes non linéaires peuvent avoir des comportements très variés (multistabilité, cycles limites, chaos) que les systèmes linéaires ne peuvent pas exhiber.

2. Lyapunov = outil fondamental : La théorie de Lyapunov est la méthode principale pour prouver la stabilité. L’énergie du système est souvent une bonne fonction de Lyapunov candidate.

3. Linéarisation locale vs globale : L’analyse linéaire locale (jacobienne) donne des informations près des équilibres mais ne capture pas le comportement global.

4. Méthode du premier harmonique = approximation : Utile pour analyser rapidement les cycles limites mais résultats approximatifs.

5. Chaos = déterministe mais imprévisible : Le chaos montre qu’un système simple et déterministe peut être imprévisible à long terme. Importance de la sensibilité aux conditions initiales.

Applications pratiques

Robotique : Les robots sont des systèmes fortement non linéaires (couplages, frottements, gravité). Les méthodes de linéarisation par bouclage sont couramment utilisées.

Aérospatial : Contrôle d’attitude des satellites et avions (non-linéarités angulaires). Analyse de stabilité critique pour la sécurité.

Processus industriels : Régulation de température, pression, débit avec actionneurs saturés. Analyse de stabilité et anti-windup.

Électronique de puissance : Convertisseurs DC-DC avec commutations (non-linéarités par morceaux). Commande par modes glissants fréquemment employée.

Retour d'expérience

Cours exigeant : Le niveau mathématique est élevé. Les démonstrations de théorèmes (Lyapunov, LaSalle) demandent rigueur et abstraction.

TD essentiels : Les 9 TD permettent de s’approprier les concepts sur des exemples concrets. Les simulations Simulink aident à visualiser les comportements.

Annales précieuses : Les annales de 2013 à 2023 montrent les types d’exercices (analyse de stabilité, plan de phase, méthode harmonique). Les corrections détaillées sont très utiles.

Fascination pour le chaos : Découvrir que des systèmes simples (3 équations) peuvent générer du chaos est marquant. Le paradoxe déterminisme/imprévisibilité est philosophiquement intéressant.

Limites et ouvertures

Limites du module :

Ouvertures vers :

Conseils pour réussir

1. Travailler les TD : Refaire les 9 TD sans regarder les corrections. Les exercices couvrent tous les aspects du cours.

2. Visualiser avec MATLAB : Utiliser les simulations Simulink fournies (simtd1, simtd3) et créer ses propres simulations pour explorer les comportements.

3. S’entraîner sur les annales : Les examens de 2013 à 2023 montrent le format attendu. Bien comprendre les corrections.

4. Maîtriser Lyapunov : C’est le cœur du cours. Pratiquer la construction de fonctions de Lyapunov sur différents systèmes.

5. Comprendre les limites : Chaque méthode a ses hypothèses et limites. Savoir quand elle s’applique et quand elle échoue.

Conclusion

L’analyse des systèmes non linéaires est un domaine fascinant et essentiel pour l’ingénieur automaticien. Les systèmes réels sont presque toujours non linéaires, et savoir analyser leur comportement est crucial.

Philosophie du cours : Passer du monde idéalisé (linéaire) au monde réel (non linéaire). Accepter la complexité et développer des outils pour la maîtriser.

Compétences transférables :

Message principal : Les systèmes non linéaires ne sont pas des versions compliquées de systèmes linéaires. Ils ont leur propre richesse comportementale. Les comprendre ouvre la porte à l’analyse de systèmes réels complexes.

Recommandations :

Liens avec les autres cours :


📚 Documents de Cours

📖 Chapitre 1 - Introduction

Introduction aux systèmes non linéaires : exemples, limites des approches linéaires et présentation des outils d'analyse.

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📖 Chapitre 2 - Plans de Phase

Méthode du plan de phase : points d'équilibre, trajectoires, portrait de phase et analyse géométrique de la stabilité.

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📖 Chapitre 3 - Méthode de Lyapunov

Théorie de Lyapunov : fonctions de Lyapunov, critères de stabilité et méthode directe pour l'analyse de stabilité.

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📖 Annales 2023

Sujet d'examen 2023 avec exercices sur la stabilité, méthode de Lyapunov et cycles limites.

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Cours suivi en 2023-2024 à l’INSA Toulouse, Département Génie Électrique et Informatique.